Les paysages urbains du département sont en mutation constante. Après l’exode rural, les grands bouleversements du XXème siècle (apparition du train, des grands axes de communication, industries…) et l’évolution continue des moyens de transport, de communication, de l’habitat…, ont des répercussions importantes sur les paysages du département.

Le département, dans une dynamique de reprise économique, surtout liée à l’industrie et au tourisme, voit sa population sans cesse augmenter et l’urbanisation s’étendre. Certains secteurs apparaissent beaucoup plus touchés par ce phénomène d’urbanisation, en particulier les vallées qui portent les grands axes de communication, les industries et les complexes touristiques (Vallée de la Durance, Basse Vallée de la Bléone, Bassin de Barcelonnette, Haut Verdon) ou les régions qui leur sont liées (Bassin de Forcalquier). Cette nouvelle urbanisation apparaît sous deux formes : les extensions autour des noyaux urbains anciens et l’implantation diffuse de l’habitat individuel.

LES EXTENSIONS URBAINES

Le phénomène d’extension touche une grande partie des noyaux urbains du département. Si la population évolue, les désirs évoluent aussi (avoir une maison à soi, un jardin…). Un nombre de plus en plus important de personnes ne veulent plus habiter en ville. Le bâti ancien y est souvent dégradé et inadapté aux besoins de la vie contemporaine. Mais la plupart de ces personnes qui quittent la ville ont des exigences beaucoup plus importantes qu’autrefois et voudraient conserver les avantages de la ville. Ainsi, pour répondre à leurs attentes, des zones de services, des centres commerciaux apparaissent. Ce phénomène d’extension (appelé « rurbanisation ») marque profondément le paysage par son étendue sans cesse croissante. Il s’amplifie autour des villes, où ces nouveaux espaces urbains vont en s’élargissant et rencontrent parfois d’autres villes et constituent un vaste et lâche « nappage » urbain. Aujourd’hui, il touche aussi les villages. Le cœur ancien se dépeuple, tandis qu’autour du village, qui voit sa population croître, l’urbanisation apparaît et s’étend sur des espaces de plus en plus vastes.

Cette nouvelle façon d’habiter, particulièrement consommatrice d’espace, le dévore sans tenir compte des caractéristiques propres au site et de ses potentialités. Cette urbanisation ne s’adapte pas au site, mais s’impose à lui et ne se préoccupe guère de la recomposition ou de la création du paysage urbain. Les habitations s’implantent au beau milieu de leur parcelle, de taille plus ou moins importante et forment un tissu urbain lâche et morcelé. Sans quasiment aucun lien avec le cœur ancien et bien souvent en opposition avec les formes urbaines anciennes, elle conduit généralement à une déstructuration de la silhouette villageoise. Les formes et la qualité architecturale participent à la déstructuration de la silhouette mais aussi à la banalisation du paysage urbain. L’habitat individuel ou collectif, de type « banlieue », présente bien souvent des formes, des matériaux, des couleurs hétéroclites et exogènes, sorte de solution passe-partout qui inhibe l’identité du village et du territoire dans lequel il s’inscrit.

L’URBANISATIONL’URBANISATIONL’URBANISATION

En périphérie des secteurs urbains, les infrastructures, les réseaux, ont facilité le développement d’un paysage désorganisé où s’entremêlent zones d’habitations pavillonnaires, zones d’activités de qualité esthétique souvent médiocre, campings, … La plupart des opérations d’ensemble de ces périphéries, souffrent d’insuffisances d’aménagement, tant du point de vue urbanistique que paysager et architectural. Ces aménagements n’ont bien souvent aucun caractère propre au site autre qu’anecdotique et conduisent à une banalisation des espaces concernés qui perdent leur identité. Ces secteurs périphériques, qui constituent les entrées « d’aggolmération », donnent une image extrêmement négative aux villages eux-mêmes. Les extensions qui s’effectuaient le plus souvent sur les versants, autour des centres anciens, tendent à s’étendre dans les plaines agricoles en s’étiolant. Ces secteurs agricoles sont devenus de véritables réservoirs fonciers, faciles à aménager et à équiper.

L’HABITAT DIFFUS

Si autrefois l’habitat diffus existait, il était intimement lié au terroir. Ces fermes avaient une raison d’exister de manière isolée puisqu’elles étaient situées au sein des terres qu’elles avaient en charge. De plus, la typologie et les volumes de l’habitat vernaculaire étaient étroitement liés au site dans lequel il s’inscrivait et à l’activité des habitants. L’habitat prenait en compte son environnement naturel (topographie, climat, ensoleillement…). Les matériaux utilisés étaient locaux et les couleurs des enduits s’intégraient dans le paysage puisque c’était la couleur de la roche, de la terre trouvée sur place. De plus, ces fermes étaient relativement peu nombreuses dans le paysage.

L’HABITAT DIFFUS

Ces maisons individuelles, le plus souvent de type pavillonnaire s’implantent de manière isolée à l’écart des villes et villages, au sein des espaces agricoles. Ce type d’urbanisation obéit aux désirs de nouveaux habitants : habiter à la campagne, avoir sa propre maison, son jardin et des contacts limités avec d’éventuels voisins. Ce type d’urbanisation se développe dans les terroirs, à proximité des centres urbains, en bordure d’axes de communication, dans les régions attractives (activité industrielle, commerciale, touristique).

Aujourd’hui, l’habitat diffus est surtout résidentiel et son architecture souvent constituée sur un plan rectangulaire, en un seul bloc, utilisant des matériaux exogènes rarement inspirés des couleurs du paysage environnant. Ces maisons, bâties au milieu de leur parcelle, présentent un caractère souvent banal, de type « banlieue » ou au contraire parfois exubérant, interprétation du mas provençal. Souvent de couleur vive et trop claire elles attirent d’avantage le regard en formant des taches contrastées dans les terroirs.

Les parcelles sont souvent cernées d’une haie opaque, composée de végétaux exogènes. De par leur forme, leur composition et leur teinte monochrome, ces haies s’intègrent très difficilement dans le paysage agricole et le dévalorisent. Dans les espaces plats, peu arborés, leur impact est d’autant plus grand car elles accrochent le regard. Les bâtiments se confrontent aux autres éléments caractéristiques du site (ancienne bastide, arbre isolé, silhouette de village, cabanon…). Ces ensembles (pavillon et haie) qui ponctuent les terroirs agricoles, dévalorisent considérablement leur aspect et génèrent un « mitage » du paysage, dont le tissu bâti est difficilement améliorable.

De plus, ce type d’implantation ne fait qu’amplifier la pression urbaine en facilitant l’accessibilité à la construction depuis les zones urbaines.

L’HABITAT DIFFUS
« On vient ici pour 1500 m2 de terrain, avoir sa maison au milieu et être tranquille. » (un élu interviewé)
L’habitat dispersé est de plus en plus présent et il est parfois impossible de traverser un territoire sans être confronté à ce type d’habitat. Le caractère urbain devient omniprésent dans certaines parties du département. En particulier, dans les territoires, réputés pour être des « déserts » ou de vastes pays agricoles, ces constructions deviennent de véritables agressions, confrontant l’image décrite ou idéalisée à la réalité.

L’ARCHITECTURE

La qualité de l’architecture participe grandement aux problèmes de perception de l’urbanisation actuelle dans le département. La qualité médiocre de la plupart des constructions contemporaines nuit à l’image des villes et de leurs silhouettes ainsi qu’à la cohérence urbaine. Un seul crépi de couleur mal choisi, un seul volume incohérent peut dégrader l’image d’un village.

Ces expressions architecturales sont une interprétation des modèles traditionnels, image souvent erronée, que les nouveaux habitants se font de l’habitat provençal, ou montagnard. L’envahissement de ces modèles dont la plupart ont été conseillés sous la forme de plans types, et les permis de construire instruits et accordés sans égard vis à vis du paysage, n’ont fait qu’accentuer la dégradation de l’architecture vernaculaire. De plus la reproduction d’un même modèle d’architecture sur l’ensemble du territoire exacerbe le sentiment d’agression générale, tout en créant un paysage type effaçant les traits caractéristiques de chaque terroir.

La qualité des travaux de rénovation du bâti ancien a aussi son importance. Trop souvent des modifications, des restaurations sont en désaccord avec l’architecture originelle du bâtiment ou de celle qui l’avoisine. Par manque de connaissance des détails architecturaux locaux, ou par manque d’information, les propriétaires de maisons anciennes font souvent des erreurs en pensant bien faire. L’architecture traditionnelle inclut une grande variété de matériaux issus de l’artisanat local : tuiles, carreaux vernissés, ferronnerie, menuiserie, … L’industrialisation des techniques de construction, le coût sensiblement plus élevé de ces matériaux artisanaux joints à différents effets de mode ont entraîné leur désaffection progressive et la disparition d’une bonne partie des savoir-faire.

« Le détenteur de la plus quelconque baraque, pourvu qu’il ait pris soin d’en faire badigeonner les murs à l’extérieur en jaune des plus agressifs, peindre les volets en bleu des plus violents, puis d’en garnir le voisinage d’un cyprès et de quelques jarres, s’arroge l’autorisation de proclamer qu’il possède un authentique « mas » provençal. » (H. Algoud, 1958)

Le problème est aussi important pour les bâtiments d’activités qu’ils soient agricoles, industriels ou commerciaux. La taille souvent importante de ces bâtiments doit leur conférer un soin particulier. Que ce soit un hangar agricole au sein de son terroir ou une zone d’activité en entrée de ville, la mauvaise qualité de la plupart de ces constructions dévalorise considérablement le paysage urbain. Ce problème est relativement récurent dans le département.

Ceci étant, il n’est pas envisageable de refuser le développement urbain ainsi que l’évolution de l’architecture et des paysages. Mais, le contrôle de la qualité de ces changements, donc de l’impact paysager et est indispensable.

De nombreux documents de gestion de l’espace, d’urbanisme (POS, PLU), peuvent y contribuer. Mais ils manquent de prise en compte suffisante de l’aspect paysager et conduisent les aménageurs et les collectivités territoriales à réaliser des erreurs paysagères : emplacement de nouvelles constructions, de lotissements, de zones d’activités, prolifération d’un style architectural…

Pour que le département conserve ses paysages de qualité, il paraît crucial, de mener une politique plus adaptée en matière de construction et d’encadrer le développement urbain que connaît aujourd’hui le territoire.