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CONCLUSION : QUELS OBJECTIFS POUR UNE POLITIQUE DES PAYSAGES ?

Dans les Alpes de Haute Provence, les axes de développement local ont longtemps été centrés sur la nécessité de maintenir les populations sur place, et de faire cesser l’hémorragie démographique. A l’inverse, le département connaît aujourd’hui une poussée démographique liée à l’arrivée de populations urbaines, qui n’ont pas les mêmes demandes en termes de services et de cadre de vie. L’attraction des communes n’est plus garantie par le simple maintien des services publics, mais par leur développement, à commencer par l’école. Certaines communes parviennent ainsi à capter une part importante de l’afflux parce qu’elles sont plus rapidement connectées aux centres de services. L’accroissement démographique entraîne alors des déséquilibres dans l’espace, pas seulement entre l’Est et l’Ouest, mais sur des secteurs plus restreints, entre les communes centres, les communes périurbaines, et les communes isolées.

Or les paysages souffrent très directement de ces déséquilibres : dans la Vallée de la Durance, la croissance urbaine trop rapide ne laisse pas le temps aux communes de considérer la qualité de leurs paysages comme une ressource à préserver, tandis qu’en moyenne montagne le repli des activités rurales dans les zones plus isolées rend difficile une gestion d’ensemble des paysages. Une politique des paysages ne doit sûrement pas freiner cette expansion démographique mais l’accompagner, et prévoir un cadre de vie de qualité pour les nouveaux habitants et les visiteurs. Le paysage devient alors une entrée fondamentale pour définir les objectifs de gestion de l’espace à long terme, et en évaluer les résultats.

Tout d’abord, il est question d’infléchir des processus extrêmement lourds qui sont à l’œuvre dans le département : contrôler beaucoup plus étroitement l’urbanisation par le renforcement des capacités locales à orienter le développement de la commune en tenant compte des paysages, et à s’opposer effectivement aux dynamiques locales qui leur seraient contraires. Ce renforcement passe notamment par la formation des élus et des professionnels, mais surtout par la maîtrise locale des outils d’urbanisme, et la qualité d’un appui technique permanent fourni par un CAUE. De même pour maintenir des paysages agricoles dans les zones isolées, l’intervention de la collectivité est primordiale pour orienter l’affectation des espaces, et prendre à sa charge une partie de leur entretien.

La nécessité de ces investissements apparaît clairement si l’on considère l’espace sur le long terme, et si le paysage sert comme lecture de son évolution. Pour cela, l’information sur les paysages et leur qualité exceptionnelle dans ce département doit être très largement diffusée. C’est l’identité d’un territoire qui peut en être renforcée, au moment où l’irruption de populations urbaines met en danger les identités anciennes, et appelle à les reformuler. Les paysages des Alpes de Haute Provence ne sont pas que le reflet des différents pays qui composent le département, mais leur diversité et leur qualité constituent apparemment une particularité de ce département.

Dès lors, il est possible de fonder un dynamisme sur le paysage comme ressource d’identification (pour l’habitant comme pour le visiteur), domaine d’intervention (pour l’individu comme pour la collectivité), et élément majeur d’un cadre de vie choisi. Le développement touristique profite alors de cette ressource, mais reste encadré par une exigence de qualité. De la même manière, les grands projets de développement ne sont pas exclus, dans la mesure où ils font eux-mêmes paysages, et si les ressources financières que les communes en tirent servent effectivement à la qualité des espaces.

Le paysage est un outil pour tous : il donne les moyens de comprendre l’évolution de l’espace sur le long terme, et il permet aussi de constater directement les résultats des actions humaines à très court terme. Dans les Alpes de Haute Provence, les paysages sont d’une très grande qualité intrinsèque, mais leur évolution est rapide : ils appellent une intervention publique forte qui réconcilie les dynamiques locales actuelles avec la volonté de maintenir des espaces exceptionnels pour l’avenir.