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Devant la diversité des paysages locaux, il paraît indispensable de reconstituer mentalement les paysages du passé pour déterminer la valeur et l’origine des éléments encore en place. Afin de comprendre le paysage actuel et son évolution il est donc nécessaire de se pencher sur son histoire.

De multiples facteurs ont contribué à la formation du paysage actuel. A chaque époque, celui-ci est la résultante de multiples interactions : décisions politiques, traditions, système social, réalité économique, pression démographique, adaptation aux conditions naturelles…

Chacun des territoires est une suite de combinaisons spécifiques qui a donné au paysage ses caractéristiques propres.

Jusqu’à aujourd’hui, on peut retenir les époques de grand développement : le néolithique, la fin de l’âge de fer, l’époque romaine, le Moyen Age du XIème au XIIIème siècle, la fin du XVème et début du XVIème siècle, la deuxième moitié du XVIIIème et le XIXème siècle.

Les grandes civilisationsLes grandes civilisations

Durant cette période, les terres étaient hostiles à l’implantation humaine (glaciers, climat, végétation). L’homme a cependant occupé la région de façon temporaire, vivant de la chasse et de la cueillette, dès le Paléolithique inférieur (vers 300 000 ans avant Jésus-Christ), comme en témoignent les grottes des Basses Gorges du Verdon (grotte de la Baume Bonne).

L’homme s’installe de façon permanente à partir du Néolithique (3 000 ans avant J-C.). La sédentarisation de ces civilisations fait apparaître les premiers foyers agricoles et la première économie liée à l’agriculture naissante. Les familles s’établissent dans des villages, à proximité des cours d’eau (vallée du Largue).

A l’âge du bronze, la civilisation des Ligures, descendants des populations néolithiques autochtones s’épanouit et occupe la Provence.

A partir du VIIème siècle avant J-C., la civilisation Ligure se mêle à celle des Celtes venus du nord et ce brassage donne naissance à la civilisation celto-ligure.

Des Grecs venus de Phocée fondent Massilia (Marseille) et des réseaux de commerce se mettent en place entre la nouvelle colonie grecque dont l’expansion ne cesse et les tribus celto-ligures qui peu à peu adoptent de nouvelles cultures.

Les civilisations Ligures puis celto-ligures marqueront le paysage par l’implantation de nombreux oppida (villages fortifiés établis sur les hauteurs), aux maisons groupées (Les Murs à Banon, Chastellard à Lardiers). Des sites d’habitat s’installent aussi dans les plaines et sur les coteaux.

Les celto-ligures sont organisés en petites unités politiques, implantées sur des territoires souvent réduits à l’échelle d’une vallée, d’un plateau. De nombreux toponymes, ont conservé la mémoire de leur nom. La tribu des Albicii, installée à l’ouest de la Durance, a laissé son nom au plateau d’Albion. Celle des Reii, qui peuplait le plateau de Valensole et dont le chef-lieu était la colline Saint-Maxime, a donné le nom à la ville de Riez.

L’économie se développe, ainsi que l’organisation sociale : paysans, artisans, commerçants.

Les colonnes de Riez
Les colonnes de Riez

Au IIème siècle avant J-C., les Romains conquièrent la Gaule méridionale. C’est le début d’un processus qui conduira à la création de la « Provincia » romaine, qui donnera son nom à la Provence. Les terres de Haute-Provence, éloignées des grands axes de communication contrôlées par les Romains ne seront véritablement romanisées qu’à la fin du Ier siècle avant J-C., par l’empereur Auguste. Les Romains rattachent les Alpes du Sud à la province Narbonnaise (elles formeront les Alpes Maritimes). Afin de garantir la sécurité des voies de communication et de favoriser le commerce, Rome fonde une cité à Riez et un relais d’étape à Sisteron.

Les temps obscurs

Suite à une longue période de troubles, l’empire romain se désagrège jusqu’à sa chute en 476. la Provence se trouve alors sous la domination des Germains. La région est occupée au nord de la Durance par les Burgondes et au sud par les Wisigoths puis par les Ostrogoths.

En 536, les Francs se rendent maîtres de la région, avant que les Arabes ne la leur disputent.

Partage de l’Empire Carolingien en 843
Partage de l’Empire Carolingien en 843

En 843, lors du Traité de Verdun, la Provence est attribuée à Lothaire, petit-fils de Charlemagne. Celui-ci créera pour son fils Charles le royaume de Provence qui comprend aussi le Lyonnais, le Viennois et les Alpes. A la mort du roi, le royaume est partagé entre ses deux frères. A leur mort, Charles le Chauve, leur oncle, s’empare de leurs terres et les confie à son beau-frère Boson.

Le renouveau économique du début du XVIème siècle est lié à la croissance démographique. La population a triplé dans l’ensemble du pays. Mais la Provence pâtit du conflit entre François Ier, Charles Quint et le duc de Savoie. Un ensemble de fortifications est construit (Entrevaux, Colmars, Seyne).

Les guerres de Religions

XVIe siècle
XVIe siècle

Les Vaudois, membres d’une secte dissidente de l’Eglise catholique, et qui avaient trouvé refuge dans les vallées reculées de Haute-Provence, refusent de se convertir. Ils seront sévèrement pourchassés par l’Inquisition en 1488. La Haute-Provence est le lieu de passage des idées de la Réforme, propagées entre autre par Guillaume Farel (natif de Gap) et auxquelles les Vaudois vont adhérer.

De même qu’il s’est rallié aux différents régimes qui ont suivi la chute de l’Empire, le département des Basses-Alpes donne aux présidentielles de 1848 instaurées par la Seconde République, la majorité à Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III). Les élections générales de 1849 se traduisent par l’élection de plusieurs élus « rouges ». En 1851, les Basses-Alpes opposent une vive résistance au coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Les insurgés se rendent maîtres de Barcelonnette et de Digne. Suite à leur défaite aux Mées, ils seront violemment réprimés. Les répressions de Napoléon III ne feront qu’ancrer davantage le département dans une tradition républicaine.

Durant le Second Empire, les mouvements de populations que va connaître le département sont sans précédent. La migration des « gavots » est une véritable « hémorragie préalpine » et prive les hauts-pays de ses forces vives qui vont s’installer dans les villes de la région, à Paris ou à l’étranger. En 1861, les frères Arnaud de Jausiers, partent pour le Mexique, inaugurant la migration des « barcelonnettes » dont certains vont faire fortune dans le commerce du drap. Cette hémorragie durera jusqu’à la fin des années 1960 et le département perdra plus du tiers de sa population.

A la fin du XIXème siècle, le département qui a longtemps souffert de son isolement, commence à se désenclaver (route de la vallée de l’Ubaye, du col de Vars, d’Allos, des clues de Barles, pont de Manosque, voie ferrée).

En dépit de l’émigration, le département connaît vraisemblablement son apogée démographique et économique : reconstruction d’églises, de chapelles, aménagements en terrasses des pentes, intense déboisement.

La vieille polyculture avec ses complantations, ses cultures spéculatives et l’élevage transhumant prospèrent autour des villages urbanisés.

Les petites exploitations, afin de mettre plus à profit leurs terres et de miser sur une double récolte, implantent une agriculture à deux étages (complantation). On retrouve alors les vergers (oliviers, amandiers, poiriers, pommiers) non plus groupés autour des villages, mais dispersés à travers les champs de cultures d’annuelles (céréales, pommes de terre, luzerne…).

Vers la fin du XIXème et le début du XXème siècle, les pratiques et les techniques culturales évoluent. La mécanisation, le développement du système d’irrigation, l’apparition des engrais artificiels permettent la conquête de terres inexploitables jusque là et l’intensification des cultures.

Les travailleurs trouvent aussi à s’employer dans quelques petites usines implantées parmi les maisons neuves des « faubourgs », le long des routes principales.

Durant la fin du XIXe et le début du XXe siècle, le département connaît de gigantesques bouleversements dans le domaine des forêts. Les espaces collinéens et montagnards sont intensément déboisés et subissent le ruissellement et la dégradation de leurs versants.

La densité de population, l’exploitation du bois pour la construction, le chauffage ou la cuisson des fours étaient les causes anciennes de cette ruine écologique. A celles-ci s’ajouta une extension de l’élevage, accompagnant l’exode rural : pour étendre les pâturages, les boisements furent coupés et le surpâturage constaté localement.

Les Paysages Forestiers

C’est en prenant conscience de ce véritable désastre que les services de l’Etat organisèrent un reboisement systématique et un réenherbement des vastes surfaces dénudées, ainsi que de multiples barrages sur les ruisseaux torrentiels (service de Restauration des Terrains en Montagne). Les boisements sont essentiellement reconstitués de pins noirs et de mélèzes. Cet effort coïncide avec un repeuplement végétal naturel plus lent permis par la désertification humaine.

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Par leur économie et leur sociologie, les villages renouent ainsi avec les caractéristiques urbaines. Ils abritaient de petites industries (filatures, tuileries…), des services, des commerces, bref une population dont une forte minorité ne vit pas directement de l’agriculture. Chaque village comporte son lot d’ouvriers, d’artisans, de négociants, mais aussi « une micro-aristocratie de bourgeois » qui font de lui une petite ville. Cette population stratifiée se répartit inégalement dans l’espace villageois. Au schéma hérité de l’Ancien Régime (et encore souvent repérable), où la demeure seigneuriale dominait le village, s’est progressivement substitué un autre schéma : celui d’une différenciation sociale entre les quartiers hauts aux maisons étroites et aux ruelles tortueuses, résidences des plus pauvres, et les quartiers bas, extensions des XVIIIème et XIXème siècles, aux alignements systématiques, aux demeures plus vastes et dégagées, résidences de notables et des agriculteurs fortunés. Un troisième mouvement s’est récemment amorcé : l’occupation des parties hautes des villages réputées « typiques » par des résidents secondaires.

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Au cours de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, de profondes transformations ont affecté le département dans le domaine des relations et de la communication.

De grands travaux de viabilisation ont renouvelé un réseau routier archaïque et incomplet, désenclavant les communes les plus isolées (Barcelonnette, Castellane). C’est le succès du chemin de fer, de l’automobile, des lignes de cars. C’est aussi la naissance du premier tourisme qui va se développer surtout dans le haut pays du Sisteronais, du Verdon et de l’Ubaye sous l’impulsion des géographes locaux à travers des guides lyriques et une promotion locale passionnée. Dans la fin du XIXème et début du XXème siècle, ce premier tourisme apparaît plus sous les traits d’une expédition dans un pays lointain et exotique.

La Haute-Provence de l’entre-deux guerres était encore peu fréquentée par ceux qui n’y résidaient pas car le temps des loisirs et les moyens de communication étaient rares et les chemins malaisés, sorte de « terra incognita ».

Les premiers excursionnistes, à l’esprit conquérant, vont parcourir et décrire, souvent avec émerveillement et lyrisme, les curiosités naturelles, paysagères, archéologiques, minérales, botaniques, géologiques, architecturales.

L’architecture traditionnelle dont le département a hérité est particulièrement riche en typologies. Chaque habitat répond à des logiques de construction qui lui sont propres et dépend de différents facteurs comme le climat, l’activité dominante, l’organisation de la vie sociale, l’approvisionnement en matériaux locaux, le savoir-faire différent en fonction des époques.

Pierres de proximité Pierres de proximité Pierres de proximité Pierres de proximité

Sur l’ensemble du département les maisons sont construites avec des pierres trouvées à proximité, galets roulés ou pierres brutes à peine dégrossies. Ainsi dans chaque terroir l’architecture est le reflet de la géologie du lieu et les appareillages prennent des couleurs et des matières différentes. Seules les maisons de maîtres sont construites avec des pierres de taille provenant de grandes carrières. La presque totalité des constructions étaient couvertes d’enduit et le mur en pierres apparentes est une mode actuelle. Seules les cabanes isolées et certains bâtiments d’exploitation ou encore les pierres de taille des maisons de maîtres n’étaient pas crépies.

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L’habitat y est de type provençal. Les toitures à faible pente (de 27 à 33 %) sont couvertes de tuiles canal, bordées de génoises pour lutter contre les assauts du mistral. Les constructions prennent différentes formes selon qu’elles sont situées au sein d’un village ou qu’elles sont isolées.

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Les maisons de village. Dans les villages, les maisons aux volumes très simples, sont collées les unes aux autres, toujours bien plus hautes que larges. Très étroites, elles n’ont souvent qu’une seule pièce par étage. Dans les villages perchés certaines peuvent atteindre cinq à six niveaux d’un coté pour deux de l’autre. Ce sont de véritables petits immeubles miniatures, qui donnent au moindre village l’allure d’une petite ville.

Ce secteur de transition entre haute montagne et collines accueille un habitat le plus souvent groupé et compte aussi de nombreuses fermes isolées. L’architecture a subi les influences des deux autres secteurs, et ne présente pas de style clairement défini. C’est le théâtre de manifestations architecturales diverses. Les différents types de couvertures de toitures et de volumes donnent parfois un sentiment de désordre. Ici la typologie de l’habitat répond avant tout à

son utilisation et à sa situation dans le paysage. Ainsi une bâtisse isolée en fond de vallée s’approchera du style provençal alors que sur les hauteurs de cette même vallée, l’influence sera plutôt montagnarde. Au sein d’un même village on trouvera des toitures bordées de génoises et sans génoises, des tuiles canal, des tuiles mécaniques et des tuiles écailles… Cette architecture « hybride » continue son évolution. Actuellement, c’est dans ce secteur que l’on trouve le plus de confusion dans les rénovations peut être par manque d’appartenance à un style particulier.

Dans ce secteur, les maisons typiquement montagnardes, sont de solides constructions horizontales. La présence de la neige impose des toitures à pente plus importante (environ 40 %). Les toitures sont couvertes de différents matériaux : la tuile écaille, l’ardoise, le bardeau de bois et la lauze. Ce type d’habitat apparaît au-dessus de 1000 mètres d’altitude, lorsque le relief et les conditions climatiques exigent une architecture capable de s’adapter à des situations extrêmes. Les villages sont situés sur les adrets et leurs maisons sont rarement mitoyennes. Seules les villes présentent des maisons hautes et étroites collées les unes aux autres.

La haute montagne La haute montagne La haute montagne La haute montagne

Les volumes sont d’aspect massif et l’influence dauphinoise est souvent présente. Ce sont de gros blocs où se retrouvaient toutes les activités, les hommes et le bétail. Le logement humain se trouvait à l’étage, accessible par un escalier extérieur et des passerelles. Les toitures à deux pans réguliers sont parfois coupées sur un coté et débordent fortement pour protéger les balcons de la neige. Les pignons sont parfois bardés de bois. Les murs sont souvent en pierre apparente mais peuvent être partiellement revêtus d’un enduit grossier.