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Un développement désordonné des extensions urbaines depuis les années 1970 brouille la lecture de l'urbanisation millénaire des communes, basée sur le repère du noyau ancien et de ses extensions sous forme de faubourgs puis de quartiers d'habitat denses. Les activités artisanales et industrielles, source de nuisance, ont été rejetées au delà des espaces bâtis, sur de grandes zones desservies par un réseau routier très largement dimensionné, ponctué de giratoires et échangeurs, hérissé de publicités et d'enseignes. Le phénomène est amplifié par le développement de centres commerciaux, de supermarchés, de parkings, puis par le report en périphérie d'agglomération de nombreux équipements (stade, collège, caserne de pompier, gendarmerie, maison de retraite, aire d'accueil des gens du voyage, centre médical ou vétérinaire, station d'épuration etc. ...). A cela s'ajoute le développement de lotissements ou d'habitat diffus. Des friches et des parcelles encore cultivées s'intercalent souvent dans ce tissu urbain disparate. Cet urbanisme linéaire est une sorte de gangue bâtie, souvent sans épaisseur, où se juxtaposent différents usages (circulation, habitat, activité, commerce, équipement), différents acteurs et structures de gestion, sans plan d'ensemble, sans qualité architecturale ni paysagère.

« L'amendement Dupont » a marqué un tournant en 1995, en instaurant un espace libre de toute construction, sur une distance de 75 à 100 mètres, de part et d’autre des routes à grande circulation pour inciter les élus à réfléchir conjointement au développement économique et à la qualité paysagère. Mais les dynamiques de consommation d'espace et d'étalement urbain avec un bilan carbone déplorable sont lentes à s'inverser, malgré la législation sur l'urbanisme durable depuis 20 ans.

Le département des Alpes de Haute-Provence n'a pas échappé au phénomène, que ce soit en entrée de communes rurales ou sous forme de conurbation des communes du val de Durance.

Giratoire desservant des bâtiments d'activités
Giratoire desservant des bâtiments d'activités, de commerces ou équipements lâches, entourés de larges parkings avec enrochements et sans plantations (Céreste)
Continuité d'urbanisation diffuse
Continuité d'urbanisation diffuse, réseaux aériens et accotements purement routiers, en val de Durance, en bord de RD 4996 (Villeneuve)

Améliorer les entrées de villes, qu'elles soient urbaines ou rurales, est donc un enjeu pour la qualité du cadre de vie des habitants et des usagers mais aussi pour l'image et l'attractivité des communes.

Une « entrée » comme son nom l'indique devrait être « une porte », un espace de transition, qui annonce par des aménagements traditionnels, symboliques et lisibles, le passage de la campagne à l'espace bâti, tout en respectant l'identité de la ville ou du village.

Tout projet est à élaborer sur la base d'un diagnostic et d'une concertation avec les acteurs (riverains, usagers, élus, institutionnels ...) pour remédier aux disfonctionnements et définir un programme d'actions qui réponde aux besoins et aux attentes locales. L'intervention d'équipe pluridisciplinaire d'architecte, urbaniste et paysagiste est nécessaire pour dépasser les problématiques routières et économiques.

Passer de la route à la rue

Différents scénarios de réaménagement de voie

Différents scénarios de réaménagement de voie

L'objectif est de modifier le comportement des automobilistes afin qu'ils adaptent spontanément leur conduite. Un panneau "50km/h" ne suffit pas, il faut que l'environnement change et que la chaussée soit étroite pour que le comportement se modifie et la vitesse décroit. La réduction d'emprise de chaussée se fait au profit de trottoirs et pistes cyclables qui indiquent clairement qu'il faut partager la route et être attentifs aux autres usagers. La présence de stationnement, de plantations d'alignements, d'espaces verts urbains, de mobilier, d'éclairage, de passages piétons ... confortent le ressenti d'un parcours urbain apaisé

Il n'y a pas de recette type, mais une adaptation à l'état des lieux et aux séquences que l'on souhaite créer, en appui de points d'échange avec le tissu urbain. L'aménagement de giratoire est à remplacer par au choix : un carrefour classique, une place avec changement de matériaux au sol, un plateau traversant surélevé si besoin, avec des plantations et un éclairage adapté ... L'ambiance urbaine doit être prédominante et reconnaissable par tous.

Ces principes d'aménagement peuvent être déclinés dans la traversée urbaine des communes pour pacifier et partager l'espace entre automobilistes et piétons, améliorer la sécurité, apporter une ambiance urbaine de qualité.

Pénétrante de Digne
Pénétrante de Digne avec cheminement en bord de Bléone et espaces verts urbains
Aménagement de sinuosité
Aménagement de sinuosité, trottoirs et plantations dans la traversée de Jausiers (RD 900)
Plantations séparant la chaussée du trottoir
Plantations séparant la chaussée du trottoir dans la traversée de La Condamine-Châtelard (RD 900)

Développer la qualité des abords de voie

En amont de l'entrée de ville, la plantation de haies et des noues peuvent assurer la transition entre espace rural et bâti, tout en favorisant les trames vertes et bleues. Une progression de la densité du bâti peut être favorisée sur le parcours d'entrée de ville ainsi qu'une certaine épaisseur de la trame bâtie. La qualité architecturale et environnementale des bâtiments est à promouvoir. Cela passe par la restauration du bâti d'activité ou d'habitation et l'aménagement qualitatif des espaces extérieurs (plantations, maillage de cheminements doux ...). Il est également important de s'appuyer sur les composantes locales ; respecter ou retrouver un cône de vue, préserver et restaurer les éléments patrimoniaux (alignement, arbre remarquable, oratoire, mur...), résorber les « points noirs » (délaissés à aménager, réseaux à enfouir ...), homogénéiser les clôtures et les doubler de haies vives locales.

Aménager des espaces verts urbains

Espaces verts en entrée de Volonne
Espaces verts en entrée de Volonne

La requalification des espaces publics passe par la préservation des plantations existantes, notamment les alignements, la plantation de nouveaux alignements de haute tige, de massifs arbustifs et de vivaces d'essences locales. Une gestion différenciée, économe en eau et sans pesticides est à favoriser.
Le mobilier urbain (arrêt bus, potelets, bornes, bancs, corbeilles, candélabre) est à choisir dans un souci d’unité, de qualité et de sobriété. L'éclairage est à gérer afin de lutter contre la pollution lumineuse.

Gérer l'affichage publicitaire

Prolifération contreproductive de panneaux publicitaires
Prolifération contreproductive de panneaux publicitaires en bord de RD4075 (Mison)

L'anarchie de panneaux est contreproductive. Elle nuit au message publicitaire et à la lisibilité de l'information sensée être véhiculée.
Les communes peuvent y remédier en créant un règlement local de publicité. Ce document, annexé au PLU, permet d'harmoniser les dispositifs publicitaires et d'en limiter le nombre. La publicité est interdite hors agglomération sauf pour les pré-enseignes dérogatoires. Les dimensions, les hauteurs et les emplacements des panneaux sont définis et encadrés.

Ecrire une nouvelle page d'urbanisme

Améliorer les entrées de ville va de pair avec un changement, en profondeur et sur le long terme, des modes d'urbanisation. Les efforts sont à porter sur un travail de "couture urbaine" de l'existant : repérer les dents creuses pour densifier le tissu urbain, mettre en œuvre des politiques foncières, créer des liens fonctionnels entre le centre et les quartiers périphériques, promouvoir la nature en ville (espaces verts, trames vertes et bleues, noues ...).

A l'avenir l'objectif est de stopper l'étalement urbain, de « construire la ville sur la ville ». L'idée est de favoriser les mixités fonctionnelles, sociales et générationnelles, tout en réduisant les déplacements. Ainsi les "entrées de ville" avec leur connotation négative d'espace anarchique et dégradé, n'auraient plus lieu d'être.