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Les territoires des Alpes de Haute Provence sont très diversifiés. On a coutume de dire qu’il manque à ce département une cohérence géographique. Mais c’est oublier que les départements ont été constitués pour administrer le territoire, sans reprendre systématiquement les unités locales constituées sous l’Ancien Régime. Si certains départements ont repris les contours de « pays » déjà existants, d’autres ont petit à petit construit leur cohérence dans les pratiques des habitants. Dans les Alpes de Haute Provence, ce processus n’a pas totalement abouti et des logiques contemporaines sont à l’œuvre qui semblent écarteler le département : le développement de l’axe durancien a rapproché les villes du Sud du département de la métropole marseillaise ; la protection des sites et des massifs a créé des structures de gestion de territoire autonomes aux frontières du département avec ses voisins du Var (PNR du Verdon) et du Vaucluse (PNR du Luberon) ; enfin les pays en cours de constitution orientent les secteurs Nord du département vers le département voisin des Hautes Alpes. Que reste-t-il des Alpes de Haute Provence ?

Un espace de transition d’abord, un intermédiaire, que certains voudraient appeler un « moyen pays », entre la mer et la montagne. Et comme tout espace « entre-deux », cet espace est mal identifié en tant que tel : « Dans l’imaginaire régional, il y a la mer, la basse Provence – légumes et vins – et la montagne. La zone des plateaux est ignorée, y compris par les décideurs ». Ainsi les plateaux, situés à l’Ouest du département seraient la transition invisible entre la Provence « connue » et la montagne. Mais c’est la même chose plus à l’Est du département, en zone plus escarpée : « ce sont les Alpes de la Méditerranée ». Territoire de transition, les Alpes de Haute Provence cherchent encore leur unité.

Dans le département tout le monde s’accorde en effet sur la difficulté de gérer un espace aussi disparate. Quand on est de la Durance ou de ses environs, on parle de la « montagne » comme d’un espace lointain et reculé. Quand on est de la montagne, on ne veut pas être comparé à la Durance. Ces manières de se situer dans l’espace permettent d’identifier des grands territoires de référence. On se sent de quelque part et on partage sa situation avec d’autres dans des situations comparables, mais cet espace est délimité : sur des points essentiels, il ne ressemble pas à « l’ailleurs ». Ainsi on peut définir trois grands secteurs géographiques auxquels se réfèrent implicitement ou directement les évocations des territoires par les acteurs des Alpes de Haute Provence : « les collines et plateaux de Haute Provence », « les Préalpes » et « les montagnes alpines ». Ces trois grands secteurs sont autant déterminés par leurs cohérences physiques que par leurs dynamiques humaines, telles qu’elles sont décrites par les acteurs. C’est pourquoi leurs frontières ne sont pas nettes et les transitions sont progressives ; il peut même y avoir des espaces qui se ressemblent nettement d’un secteur à l’autre, mais seul l’observateur extérieur s’en rendra compte.

La description que l’on fait de ces territoires constitue la toile de fond de la perception visuelle que l’on peut en avoir. De manière plus dynamique, on lit l’évolution du paysage en fonction de ce que l’on constate de l’évolution du territoire. Ainsi, l’évocation des lieux associe continuellement le territoire et le paysage : le premier détermine le second et le second raconte le premier. Ainsi les évocations qui suivent sont organisées de manière à décrire chaque secteur en partant du territoire, vers ses paysages. La plupart des données sont issues des entretiens et les citations illustrent le propos : elles sont anonymes en ce sens qu’elles illustrent un point de vue partagé.